R.I.P. CARLOS EZQUERRA: LE PERE DE JUDGE DREDD S’EN VA

1er Octobre 2018, alors que je viens d’apprendre qu’Aznavour est mort, une nouvelle qui me touche bien plus est tombée: Carlos Ezquerra n’est plus.

Carlos Ezquerra, vous ne le connaissez peut être pas, mais plus encore qu’un grand artiste de Bande Dessinée, c’est un character designer hors norme.

En effet, cet espagnol né en 1947 et qui a commencé sa carrière anglaise en 1974 est une des pierres angulaires de l’hebdomadaire 2000AD qui existe encore aujourd’hui et qui est surtout connu comme étant le magazine qui a inventé, publié (et publie toujours) Judge Dredd. Une des figures satyriques les plus justes et les plus influentes qu’il soit en BD.

Carlos Ezquerra & Judge Dredd

Tout de cuir vêtu, chevauchant sa moto comme un shérif sans pitié chevaucherait sa monture, un casque qui lui recouvre tout le visage, des bottes qui montent, Judge Dredd est le parfait contrepoint graphique à la culture punk qui prend de l’essor en Grande-Bretagne à l’époque. Anti-héros cynique et satirique en diable, il est un représentant d’une justice aussi absurde qu’absolue, souvent amené à tabasser du prolo, du punk, de la petite racaille ou de la grosse dans une Amérique où plus rien ne va.

Ne s’arrêtant pas là, Carlos Ezquerra a aussi créé le personnage de Strontium Dog, personnage moins connu, mais tout aussi iconique au sein des lecteurs de 2000AD.

Carlos Ezquerra

Carlos Ezquerra & Strontium Dog

Strontium Dog, c’est Johnny Alpha, un mutant né après un holocauste nucléaire dans un monde où ces derniers, contrairement aux X-Men, sont difformes, persécutés à très grande échelle, et où l’un des rares métiers qu’il leur reste à exercer est celui de chasseur de primes.

Passant avec aise d’un type de futur dystopique à un autre lorgnant parfois avec le Space-Opéra, Ezquerra se montre surtout comme étant un talentueux touche à tout, et le dessinateur officiel de la Génération X et de ses frustrations vis à vis de la société.

Encore une fois, niveau design, on reconnaît un type plus vieux que beaucoup d’artistes de sa génération, biberonné aux westerns où les visages et les corps se doivent d’être meurtris par la vision d’une société injuste et meurtrière. Encore une fois, en découvrant le personnage, j’avais été ébloui par la justesse d’un monde où celui qui sauve les opprimés en est lui même un, qu’il n’est pas forcément beau, qu’il n’est pas forcément riche, qu’il est comme eux, amoché par le poids de ce qu’on lui impose.

Carlos Ezquerra

Carlos Ezquerra & ma BD préférée

Carlos Ezquerra n’a évidemment pas fait que bosser pour 2000AD, puisque des personnes de la génération suivante l’ont souvent embauché pour bosser avec eux. Je pense surtout à Garth Ennis, l’auteur de Preacher, Hitman, The Boys, etc.

En effet, il l’a engagé comme dessinateur sur War Stories, une anthologie de récits courts parlant surtout de la Seconde Guerre Mondiale, mais aussi de la Guerre Civile Espagnole.

Composée d’une série de One-Shots, c’est Condors, le numéro qui se passe pendant la Guerre Civile espagnole qui m’a le plus marqué.

Ca m’a même tellement marqué que je dis à qui veut l’entendre que c’est mon one-shot préféré.

Ca parle de quatre soldats de camps différents qui se retrouvent bloqués dans un cratère d’obus à se raconter comment ils en sont arrivés à participer à la guerre.

Pas de manichéisme ici, pas de romance de la guerre, mais juste une vérité brute transcrite brutalement par un artiste de talent.

Carlos Ezquerra

Carlos Ezquerra & le cancer

En 2010, un cancer des poumons avait déjà frappé l’artiste qui s’était fait retirer un de ses poumons. Ce à quoi il avait répondu « OK, one less lung but … who the hell needs two for drawing?” (« Ok, un poumon de moins, mais qui a besoin de deux poumons pour dessiner? »).

Aujourd’hui, c’est un second cancer des poumons qui la eu sa peau.

J’ai eu la chance de le croiser il y a un an et demi en convention, mec qui dégageait une vraie bonne aura, une bonhommie sans pareille, et a du laisser bon nombre de gens tristes, que ce soit sa famille, ses amis, ses collaborateurs. C’est l’industrie du comic book qui est en deuil aujourd’hui, et moi avec.

Pat Mills, fondateur de 2000AD, en annonçant sa mort a dit: « Carlos was without a doubt 2000AD’s greatest artist, and, indeed the premier artist of British comics. He was also a great guy to hang out with and he had a fabulous dark sense of humour. We will all miss him hugely.” (Carlos était sans aucun doute le plus grand artiste de 2000AD, et un des meilleurs de la BD anglaise. C’était aussi un type génial avec qui trainer, et avait un fabuleux sens de l’humour, très noir. Il va tous nous manquer terriblement »)

Carlos Ezquerra

Voilà.

 

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